[Webconférence] Les Collectivités à Statut Spécifique Réunies autour de la Question Statutaire Lundi 28 Septembre 2020

Quel statut pour les collectivités d’Outre-Mer ? Quelles évolutions ? Ces questions majeures faisaient l’objet d’une web conférence réunissant les collectivités de Guyane, de Corse, de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Martinique, toutes des collectivités à statut spécifique qui ont en commun des interrogations sur les limites de leur cadre actuel et ont engagé une démarche de réflexion sur les pistes d’évolutions statutaire et institutionnelle de leurs territoires.

 

Ainsi c’est autour de trois tables rondes portant sur le pouvoir normatif, la question de la différenciation et les enjeux et limites du transfert de compétences que les présidents des différentes collectivités ont partagé leurs expériences lundi 28 septembre 2020 au matin.

 

Introduction

La Webconférence a débuté avec les interventions des Présidents des différentes collectivités qui ont, chacun leur tour, témoigné de leur expérience sur la question.

Rodolphe Alexandre, président de la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG), a donné le ton pour la Guyane : « On ne construit pas un lycée en Guyane comme on le ferait dans le Val de Marne ! », rappelant que l’enjeu aujourd’hui n’était pas d’aller vers une uniformisation ou une homogénéisation mais au contraire vers une différenciation pour chacun de ces territoires, et dans le cas de la Guyane, vers une adaptation à ses spécificités et ainsi d’aller vers un sus generis.

« Nous voulons un pouvoir à la carte ! » a indiqué Rodolphe Alexandre

 

Etat des lieux des perspectives se présentant aux collectivités

C’était ensuite à Karine David, juriste et universitaire, spécialisée dans les collectivités ultramarines et plus particulièrement, celles qui sont autonomes, en droit français et en droit comparé, de dresser un état des lieux des perspectives se présentant aux collectivités. Pour la spécialiste, le constat est sans appel : les collectivités ultramarines sont aujourd’hui dans une situation d’obsolescence de leur statut due à une incapacité de l’État français à sortir de sa perception stéréotypée de l’ensemble homogène que devrait former les outre-mer, au nom du principe d’égalité des citoyens.

 

Première table ronde sur la question du pouvoir normatif

L’intervention de Karine David a été suivie de la première table ronde sur la question du pouvoir normatif, à savoir le principe de libre administration octroyé aux collectivités territoriales dans les conditions prévues par la loi par des conseils d’élus. Lors de cette table ronde, Hélène Sirder, 1ère Vice-Présidente de la Collectivité Territoriale de Guyane a livré son analyse : « Nous disons oui à un pouvoir normatif mais à un pouvoir normatif autonome qui nous permette de déroger, d’adapter et de simplifier ».

Et la vice-présidente de rappeler un manque de cohérence dans l’articulation :

« On nous donne des compétences, mais nous rentrons dans une situation de conflit avec l’ancienne réglementation ».

 

Le transfert de compétences

La question prégnante du transfert de compétences faisait également l’objet d’une table ronde dans le cadre de laquelle Isabelle Patient, 3e vice-présidente de la CTG, était invitée à intervenir. L’occasion de rappeler la nécessité que ces transferts soient adossés à une prise en compte réelle du contexte socio-démographique du territoire.

« Des négociations ont été amorcées avec l’État notamment sur le rebasage qui jusqu’ici n’ont pas tenu compte des évolutions démographiques mais également des défis structurels de la Guyane », a précisé Isabelle Patient.

Un enjeu auquel la Collectivité de Saint-Martin est particulièrement sensible comme l’a témoigné l’intervention de son président Daniel Gibbs qui a fait part des difficultés rencontrées par la collectivité face à un transfert de nouvelles compétences sans les assises fiscales et budgétaires nécessaires pour les exercer.

 

La différenciation

Autre aspect crucial abordé : la question de la différenciation. A ce sujet, Boris Chong-Sit s’est exprimé :

« les notions de différenciation, d’adaptation et d’autonomie renforcée ont beaucoup de sens pour un territoire comme le nôtre, amazonien et entouré de pays souverains »

Et le Conseiller Territorial de rappeler que, au-delà des aspects juridiques et institutionnels, demeure la question du rapport des collectivités d’outre-mer avec l’État.

« Il faut que l’État ait une vraie considération pour ces sujets. Il ne doit pas seulement s’agir de questions que l’on aborde au détour de discussions dans un Ministère »

S’agissant de la dichotomie persistante entre l’article 73 et l’article 74, pour le constat est clair :

“Il me semble que le consensus commun tend à prôner une fusion des deux articles lors de la prochaine révision constitutionnelle puis d’intégrer à ce nouvel outil institutionnel des adaptations propres à chacun de nos territoires”

Un enjeu qui pour l’élu territorial doit être associé à la consultation de la population sur le contenu, en somme, sur le projet de société qu’elle souhaite.

 

Conclusion

C’est à Alfred Marie-Jeanne, président de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) que revenait, au terme d’échanges nourris le mot de la fin :

« Les réalités et les besoins de nos territoires en matière de pouvoir normatif et de compétences sont loin d’être pris en considération. Les échanges de ce jour démontrent la convergence de nos idées sur l’impérieuse nécessité d’une révision constitutionnelle. Nous devons maintenant amplifier nos échanges et aller vers une stratégie commune vis à vis de l’État et de l’Union Européenne. La tenue de cette conférence est le premier acte ! Je propose que nous nous retrouvions au sein d’une structure afin d’approfondir le débat et de peser de nos forces conjuguées pour obtenir le changement que méritent nos populations. Nous serons en principe réunis en octobre prochain dans le cadre du Congrès des Régions de France. Nous aurons ainsi l’occasion de poursuivre le travail amorcé ce jour”, a conclu le président de la CTM.