Les langues bushinenge trouvent leur origine au XVIIIᵉ siècle, dans les plantations du Suriname, anciennement Guyane hollandaise. Ces langues sont nées dans le contexte de l’esclavage et du marronnage. Des Africains réduits en esclavage ont quitté les plantations puis résisté aux troupes coloniales qui les poursuivaient Ils ont construit des sociétés libres et autonomes en forêt. Le terme Bushinenge est la contraction de deux termes : (bushi (forêt) et nenge (Homme). Il signifie littéralement homme de la forêt. Il désigne aujourd’hui leurs descendants dont certains habitent en Guyane française, mais dont le noyau se trouve au Surinam.

Sous la dénomination générale de langues bushinenge se regroupent en réalité plusieurs communautés linguistiques partageant une structure grammaticale commune, mais présentant des différences phonétiques et parfois sémantiques : aluku, ndyuka (ou dyuka), pamaka (paamaka), saamaka, kwinti et matawaï (les six communautés bushinenge).

Les parlers aluku, ndyuka et pamaka appartiennent à la famille des créoles à base lexicale anglaise et néerlandaise. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas l’influence d’autres apports : vocabulaires d’origine amérindienne, africaine et portugaise. Le saamaka, quant à lui, se distingue des autres langues par une base lexicale influencée par le portugais. Il a tout de même la présence des lexiques venant de l’anglais et du néerlandais, mais aussi des langues amérindiennes et africaines.

Chaque langue est nommée par autodénomination, c’est-à-dire selon la manière dont les locuteurs se désignent eux-mêmes. On parle ainsi d’aluku-tongo, de ndyuka-tongo, de pamaka-tongo (et non paramaka), et de saamaka tongo (et non saramaka).

Le terme « nenge(e)-tongo», proposé notamment par le groupe des médiateurs culturels et bilingues de l’Éducation nationale, reflète la volonté de rassembler les langues du fleuve sous une appellation commune, tout en reconnaissant leurs spécificités. Le terme « nègre », aujourd’hui chargé d’une connotation péjorative, doit ici être compris dans son sens historique et la manière dont les Bushinenge l’ont approprié dans un sens positif.

Le ndyuka, l’aluku et le pamaka dérivent d’une même langue d’origine : le créole des plantations, mais la séparation précoce des groupes marrons a entraîné des évolutions distinctes. Ces variantes ont chacune intégré des influences extérieures différentes au fil du temps. Ce qui se manifeste principalement dans le système phonologique et le lexique. Quant aux Saamaka, leurs ancêtres s’étaient enfuis des plantations où les maîtres étaient pour la plupart des Portugais. Ce qui explique que plus de 34 % du vocabulaire saamaka  soit sont d’origine portugaise.

Dans le nengetongo, la manière de nommer le temps, les mois et les jours de la semaine illustre parfaitement cette créativité linguistique et ce métissage culturel :

Les mois sont comptés à partir de janvier, c’est-à-dire après le Nouvel An (baka yali), selon une numérotation ordinale : janvier (wan mun [fu baka yali*] – « premier mois »), février (tu mun [fu baka yali*] – « deuxième mois »), mars (dii mun [fu baka yali*] – « troisième mois), et ainsi de suite jusqu’à décembre (twaalufu mun [fu baka yali*] – « douzième mois»). Notons toutefois, qu’à partir du mois de juillet, l’expression baka yali est moins utilisée. Mais, il arrive que des Bushinenge aient encore recours. Certains mois portent aussi des noms spécifiques inspirés de phénomènes climatiques ou saisonniers.

Les jours de la semaine, quant à eux, résultent d’un mélange d’influences linguistiques : néerlandaise, anglaise et portugaise. Ainsi, monde (lundi) rappelle Monday (anglais), feeda (vendredi) se rapproche de vrijdag (néerlandais) et sataa (samedi) de zaterdag. Les jours

intermédiaires, tels que tudewooko (mardi – « deuxième jour de travail ») ou diidewooko (mercredi – « troisième jour de travail »).

Ce système d’appellation illustre la richesse, la souplesse et la vitalité des langues bushinenge. Il traduit un rapport au temps et à l’histoire façonné par l’expérience de l’esclavage et du marronnage.

Guide de prononciation

La transcription des langues bushinenge utilise une notation phonétique adaptée pour restituer au mieux les sons d’origine. Certains signes peuvent surprendre les francophones, car ils ne correspondent pas toujours à la prononciation du français standard. Voici quelques repères utiles :

La lettre u se prononce toujours [u], comme ou en français (ex. loup).

Exemple : mun (« mois ») se prononce [mũŋ], un son nasal où l’air passe par le nez, similaire à moung.

Le symbole [ŋ] correspond au ng de parking.

Autres exemples : tu → tou, twaalufu → twaaloufou, aluku → aloukou.

 

La voyelle [e] se prononce comme é dans école.

Exemple : nengee → nengé(é), munde (lundi) → moundé.

Les voyelles longues, telles que ii, oo ou aa, indiquent un allongement du son, souvent accompagné d’un ton chantant.

Ce système phonétique reflète la musicalité propre aux langues bushinenge où les nasalisations et les voyelles orales ouvertes jouent un rôle important dans la signification et l’expressivité des mots.